Comment gérer une relation amoureuse quand on a été victime d’inceste ? Je constate avec grande tristesse lors de mes coachings que beaucoup de femmes (et quelques hommes aussi) ont subi des abus sexuels notamment l’inceste. Vous vous doutez bien que les relations amoureuses et la sexualité de ces personnes est alors très compliquée. Quelles sont les répercussions sur la vie amoureuse uns fois adulte ? Vu l’ampleur de ce phénomène, j’ai décidé de partager avec vous les chiffres, les actions, les pistes à étudier et à suivre si vous avez subi cet acte abominable qu’est l’inceste. Je donne également à la fin des conseils si c’est votre partenaire qui a été abusé dans son enfance.
C’est quoi exactement l’inceste ?
Le Larousse qualifie d’incestueux « toute relation sexuelle entre deux individus liés par un degré de parenté entraînant la prohibition du mariage ». Les viols et agressions sexuelles sont alors commis par une personne ayant l’ascendant, soit un frère, une sœur, un oncle, une tante, un neveu ou une nièce, ou le conjoint/concubin d’une de ces personnes.
Les chiffres de l’inceste en France
- 6,7 millions de victimes de l’inceste en France, soit 10% des Français. (Sondage mené sur internet par l’association Face à l’inceste. Mais de fait, ce chiffre pourrait bien être encore plus important. Et attention, on ne parle « que » d’inceste, il n’intègre pas toutes les agressions pédo-criminelles. (De quoi donner le vertige…).
- Un français sur 3 connait au moins une victime d’inceste dans son entourage. Si à votre connaissance, personne n’a été victime d’inceste, c’est qu’il y a certainement erreur…
ATTENTION : Inutile pour autant d’y aller avec ses gros sabots en demandant si la personne a subi des agressions sexuelles dans son enfance. Ce sont des témoignages difficiles, n’extorquez pas l’information, soyez avant tout attentif. - 75 % des patients rencontrés ont été victimes d’abus intra-familiaux durant leur enfance et 25 % de cas d’abus extra-familiaux qui ont tous été commis par un adulte connu de l’enfant.
- 60 % des patients ont un sentiment d’isolement dans le domaine amoureux au moment de leur prise en charge (20 % n’ont jamais réussi à vivre une relation durable 8 % d’entre elles, n’en ont jamais connue).
Quelles sont les conséquences de l’inceste dans la relation amoureuse ?
- Les victimes d’abus sexuels ne se sentent pas digne d’être aimé ou manque de confiance en leur partenaire.
Les survivants de ces abus souffrent de grandes difficultés à former et à maintenir des relations intimes satisfaisantes. Plus de 98 % d’entre eux estiment que ces abus ont une influence négative sur leur vie de couple. Forcément puisque durant l’enfance leur confiance a été trahie par une personne censée les protéger, il leur est souvent difficile de s’investir dans une relation de couple harmonieuse, de se sentir dignes d’être aimés ou de parvenir à faire confiance à leur partenaire. - Les victimes d’abus sexuels rejouent la situation passée dans leur relation affective. Nous avons tous tendance à rejouer une situation connue même si celle-ci est destructrice car elle sera toujours moins angoissante que l’inconnu, le vide. Nous avons tous besoin d’avancer avec un cadre, un filet, des repères. Si ceux-ci ont été déformés, pervertis, tordus, il est fort probable que nous les répétions car ils représentent notre seul point de référence.
Si nous sommes par notre éducation, emprisonnés dans nos croyances (elles-mêmes inscrites depuis notre plus jeune âge), le fait que certaines personnes – notamment nos parents- utilisent des procédés re-conditionnant notre libre-arbitre, reste de la manipulation. Cela ne peut en aucun cas être de l’amour. Le jeune cerveau d’un enfant ne peut pas concevoir que ses parents ne l’aiment pas, alors il est facile de le manipuler et mettre sous influence. Il est également très facile de s’attaquer à toute forme de vulnérabilité.
Ceci signifie que, bien souvent, les anciennes victimes d’abus sexuel se tournent inconsciemment vers un partenaire qui partagera les mêmes fonctionnements « toxiques » que ceux hérités de leur environnement familial dysfonctionnel (dans une forme de loyauté très inconsciente aux fonctionnements reçus).
Certains ont des partenaires bienveillants, ce qui constitue une réelle ressource. Mais malheureusement, majoritairement, ils sont emprisonnés dans des relations amoureuses toxiques, dont ils ont du mal à se sortir.
« L’abus sexuel sur l’enfant et la manipulation psychologique qui l’accompagne rendront toujours l’ajustement de la relation à l’Autre délicat pour l’ancienne victime, oscillant de manière paradoxale entre une très grande méfiance et une très grande dépendance envers l’Autre. »
Agnès Love Coach
Liste des difficultés ressenties dans la vie amoureuse des ex victimes d’inceste :
- Méfiance envers le conjoint (surtout si celui-ci est du même sexe que l’abuseur).
- Sentiments ambivalents d’amour et de haine, de désir et de dégoût.
- Peur intense d’être à nouveau trahi, manipulé par l’autre.
- Difficulté à discerner ce qui est réel ou projeté, vrai ou faux.
- Difficultés à mettre ses propres limites et respecter celles de l’autre, avec un risque à la fois de transgression des limites de l’autre et des siennes.
- Risques de violence psychique ou physique de part et d’autre, dus au non-respect de soi et de l’autre.
- Difficultés à repérer ses propres besoins et à y répondre.
- Immaturité émotionnelle et hypersensibilité souvent handicapante ou source de conflits.
- Risque de rechercher en l’autre un parent « réparateur » (ce qui peut amener la personne dans des états de rage et de frustration intenses lorsque ses attentes ne sont pas comblées par son conjoint).
- Difficultés au niveau de la sexualité et de l’accès à une intimité (hyper-sexualité ou manque de libido, absence de plaisir, douleurs, comportements sexuels à risque, etc.) Exacerbée ou inhibée, la sexualité sera toujours perçue comme anormale et génératrice d’une intense culpabilité.
- Difficultés à trouver la juste distance face à l’autre.
- Grande dépendance affective amplifiant les phénomènes de non-respect des limites.
- Confusion entre son propre désir et le désir de l’autre (amenant parfois au sentiment d’être « abusé » par l’autre).
- Clivage esprit-corps, incapacité à vivre ses sensations corporelles et à ressentir du désir ou du plaisir.
- Risque de rejouer un scénario abusif dans le couple, surtout dans les cas d’inceste où le premier objet d’amour (le parent) a trahi.
- Tentative de reprendre le contrôle sur la sensation d’impuissance totale dans laquelle l’enfant a été plongé au moment de l’abus en « rejouant » la dynamique abusive dans le couple.
- Grande sensibilité à la manipulation et risque de re-victimisation.
- Attachement insécure et bases narcissiques fragiles.
- Risque de se coincer dans des jeux de pouvoir où la prise de contrôle émotionnel de l’autre est visée.
- etc
Comment une victime d’inceste peut-elle vivre une vie amoureuse et sexuelle harmonieuse et saine ?
Les survivants de l’inceste ont de grandes difficultés à construire des relations intimes et conjugales qui soient satisfaisantes. On sait que la relation de couple reste un challenge pour tout individu et que maintenir une vie de couple harmonieuse demande beaucoup de courage et de persévérance ! Beaucoup d’Amour, en somme ! Mais c’est là que ça se complique justement lorsqu’on a aucune idée de ce qu’est justement l’Amour …
Même si mes compétences de Love Coach peuvent aider les victimes d’inceste à vivre une belle relation amoureuse ; Qui peut mieux en parler qu’une femme qui a subi cet abominable abus par sa mère et son beau-père ? Je laisse la parole à cette ex victime que je ne nommerais pas par souci de confidentialité.
4 conseils d’une survivante de l’inceste à suivre pour s’en sortir et vivre une saine et heureuse relation amoureuse
- Défragmenter le système
Parce que le cerveau fonctionne un peu comme un ordinateur avec les émotions en plus, il est nécessaire de faire une défragmentation de temps en temps. Réorganiser le disque dur. Non pas pour ne faire qu’améliorer la rapidité d’accès aux informations, mais bien plus pour faire le tri entre ce qui nous appartient vraiment et ce qui nous a formaté mais qui ne nous ressemble pas. C’est là toute la richesse de l’être humain : la quête de soi !
Il est quasi impossible de construire une histoire d’amour durable et épanouissante sans faire ce travail au préalable de défrichement, un peu comme si nous voulions arracher toutes les mauvaises herbes. Moi, dans mon tout petit monde, j’ai été envahi de mauvaises herbes, mais je pensais qu’elles étaient des roses. Je n’avais pas vu que les épines étaient aussi piquantes, et que la note de mon enfance serait aussi « pimentée ». C’est sympa le piment dans la vie à deux, mais trop d’assaisonnement peut devenir dangereux ! Dans mon grand monde de femme, j’ai fait un important travail sur moi pour que mon jardin devienne plus fleurissant. Parce qu’on ne peut pas construire une relation saine sur des charbons ardents, et qu’on ne peut pas passer sa vie le cœur sur les braises.
- Repérer les liens toxiques
Cela fait partie du chemin sinueux des survivants de l’inceste : les failles font que les prédateurs s’infiltrent très facilement. Nombreux sont les liens toxiques entretenus durant de longues années jusqu’à ce que la réconciliation avec soi-même permette de reconnaître la dangerosité de ces relations « perverses » qui n’ont rien à voir avec une quelconque idée de l’amour. Progressivement, mais tardivement, j’ai appris à déceler les personnes qui se disent « des personnes bien sous tous rapports » et qui ne sont en réalité que des personnes manipulatrices, calculatrices et intéressées. Je sais aujourd’hui faire la part des choses, et ne plus accepter l’inacceptable. Je flaire désormais l’odeur nauséabonde des hommes « prédateurs », les loups comme je les appelle, et je ne les laisse plus m’approcher. Cela fait partie de la désintoxication à la dépendance affective, c’est un difficile chemin que d’en comprendre les rouages pour enfin s’en libérer. Un dépendant affectif n’aime pas, il est juste dans un besoin de l’autre pathologique.
- Apprendre à aimer
Apprendre à aimer, large programme ! J’ai longtemps pensé que je savais aimer parce que je suis une personne altruiste, emphatique et débordante d’amour. Puis, aujourd’hui, alors que j’analyse mon parcours « amoureux » et les différentes relations amoureuses que j’ai expérimentées, je me rends bien compte que j’étais dysfonctionnelle. Je rentrais dans mes histoires d’amour sans me poser de questions, juste parce que je ne me supportais pas seule, parce que j’avais peur de ne pas réussir à faire ma vie seule, parce que l’autre arrivait comme un sauveur dans ma vie. Aimer, c’est surtout comprendre : Comprendre les influences négatives que l’inceste a eu sur mes relations amoureuses, comprendre les cheminements de mon esprit blessé, comprendre tous les transferts sur les autres que j’ai pu faire à cause de mes traumas d’enfance. Se comprendre pour mieux comprendre l’autre qui entre dans sa vie. Une victime de l’inceste aura tendance à osciller entre méfiance et grande dépendance affective, et à s’enfermer dans des relations toxiques de manipulation psychologique.
- Accepter d’être estimable
Accepter que l’on puisse être estimable, aimable, suffisamment pour être aimée ! Mais avant tout, s’accorder la valeur juste de ce que l’on est. Lorsque la confiance a été bafouée par les personnes censées nous protéger (pour moi, il s’agissait de ma mère et mon beau-père), il est difficile de se sentir dignes d’être aimé. On peut donner sa confiance trop facilement ou bien avoir du mal à l’accorder. Il est nécessaire d’apprendre à repérer ses propres besoins, apprendre à s’accorder l’amour de soi-même, indispensable pour bien aimer l’autre. L’estime de soi est la condition essentielle pour la rencontre amoureuse, car elle conditionne le respect mutuel, autant que le respect à sa propre personne. J’ai compris à travers mes relations aux autres, particulièrement mes relations aux hommes, que je ne savais pas instaurer mes propres limites, et que cela me faisait courir le risque de la transgression des limites de l’autre. J’ai compris que je remettais en question trop souvent la légitimité de mes ressentis, de mes besoins, de mes désirs. J’ai appris à mettre une juste distance entre l’autre et moi, surtout en début de relation. Je me suis donné le droit à cette longue histoire d’amour avec moi-même, et c’est ainsi qu’aujourd’hui, je me sens « estimable » et que je suis capable de vivre une relation de couple sans rejouer les scénarios abusifs de l’enfance abusée.
Comment faire si c’est moi le partenaire d’une victime qui a subi l’inceste ?
Votre partenaire qui a vécu une traumatisme dans son enfance peut avoir appris à se comporter comme si tout allait bien, tout en cachant ses vraies pensées et ses vrais sentiments (même à elle-même). Or, l’intimité consiste justement à partager notre histoire à quelqu’un. Par ailleurs, elle peut développer les aptitudes nécessaires pour recevoir l’amour et partager l’intimité qu’elle mérite dans sa vie.
En ce qui concerne la sexualité, il ne faut pas confondre sexualité et intimité. Il va de soi que la sexualité peut faire partie de l’intimité, mais ces deux mots ne sont pas synonymes. La violence sexuelle peut avoir entravé le développement normal de sa sexualité. Une survivante de l’inceste peut vivre des difficultés considérables dans ce domaine, vous l’avez lu plus haut. L’agression sexuelle est un geste de violence imposé qui peut avoir été vécu dans l’humiliation et même dans la douleur physique.
Mes 4 pistes pour une relation saine et épanouie si vous êtes le.la partenaire d’une victime d’inceste
1. Ne pas juger, ne pas questionner
La première réaction est primordiale. Prenez le temps d’écouter la victime et d’accueillir sa parole, sans la juger lorsqu’elle partagera avec vous son parcours passé difficile. S’armer de compréhension, d’écoute et de patience peut sembler ne pas suffire, mais c’est un bon point de départ. Ne cherchez pas à mener l’enquête. Ne minimisez pas les agressions et ne lui demandez pas pourquoi il/elle n’en a pas parlé plus tôt. En faisant cela, vous risquez de le/la faire culpabiliser et de faire voler sa confiance en éclats.
2. Etre très empathique
Rappelez-vous que guérir d’une agression sexuelle est un fait héroïque. Elle mérite votre respect, votre confiance et votre admiration ! Il est vrai que, de ce fait, choisir un partenaire qui a subi des abus demande d’autant plus, d’avoir des capacités et une volonté d’aimer les vulnérabilités du partenaire abusé et donc avoir une réelle empathie, une haute intelligence émotionnelle et une bonne santé psychologique.
3. N’entrez pas dans son jeu pour autant si la victime se comporte mal
Ne prenez pas personnellement les attitudes toxiques inconscientes qu’elle peut avoir. Pour cela, n’entrez pas dans le triangle relationnel toxique : Pour cela, ne cherchez pas à la sauver, ni la persécuter ni vous victimiser de ses actes toxiques. Pour cela, lisez ou relisez cet article fondamental : Comment une relation devient toxique ?
Car vous n’avez pas à porter tout le poids de ses souffrances à elle. Respecter Ecouter et Compatir oui, Subir, non. Vous n’avez pas non plus à réparer : Vous n’êtes ni son psy, ni son (ex)bourreau, ni son infirmer(re).
4. Etre patient et faire confiance
Même si l’inceste reste un traumatisme terrible, l’ex victime va se libérer de ce poids seule (aidée de psy ou coach).
Votre rôle à vous le partenaire ? Lui faire confiance de se prendre en main seule. Vous ne devez être que son amoureux ! Son pilier bienveillant qui l’aime telle qu’elle est. Point. Vous n’avez rien d’autres à faire que l’aimer avec ses vulnérabilités et ses traumatismes.
Soyez compréhensif et patient. Souvenez-vous bien qu’avec le temps et le travail qu’elle fera sur elle-même, progressivement elle se sentira mieux. Elle se réappropriera sa dignité, sa joie, sa sexualité et donc la possibilité de vivre des plaisirs sains et du bonheur avec vous !
Vous avez subi un inceste ou vous avez un partenaire qui a été abusé et vous souhaitez des conseils personnalisés ?
SOS Inceste : 02 22 06 89 03
Numéro d’urgence destiné aux enfants victimes de maltraitance : 119