Je ne m’aime pas. Pour pouvoir aimer l’autre sainement, sans souffrir et durablement, psys et coachs vous parlent tous de travailler sur votre estime de vous trop basse pour parvenir à aimer l’autre et vivre des relations saines et épanouies. Beaucoup d’entre vous passent par ce travail sur vous pour tenter comprendre pourquoi et comment faire pour vous aimer ! Aujourd’hui Mr Renaud Perronnet – psychanalyste, répond à Louise qui continue de souffrir de ce manque d’amour envers elle-même. A lire par ceux et celles qui désespèrent de s’aimer un jour et ont besoin de conseils pro.
Question de Louise, 42 ans : Je n’arrive pas à m’aimer
« J’ai beaucoup travaillé sur moi, ça fait 2 ans que je cherche qui je suis vraiment, et je comprends petit à petit. Ça met du temps et j’ai l’impression d’en faire une obsession. Je m’en veux mais au fond de moi je n’ai pas l’assurance de pouvoir être aimée pour ce que je suis, alors j’ai du mal à vivre mon quotidien légèrement avec les autres.
Je comprends au fur et à mesure que c’est à moi d’aimer et d’avoir envie de donner pour vivre à ma façon, seulement est-ce que je dois suivre mes envies (sachant que je n’ai pas toujours envie des autres parce que je sens en moi un esprit bloqué donc je préfère rester seule) ou est-ce que je dois essayer de relativiser absolument et me dépasser ?
Je m’en veux de ne pas avoir envie de la vie alors que c’est elle que j’attends, et je m’en veux aussi d’avoir du mal à vivre l’instant et de toujours penser au futur.
Merci de me répondre sincèrement. Je trouve des solutions petit à petit mais j’ai peur de cet esprit embrouillé et de cette incapacité à vouloir de la vie réellement. J’ai peur de ne pas pouvoir être aimée, et j’ai peur de la façon dont je vais m’en sortir. Conseillez-moi.
3 pistes de R. Perronnet, psychanalyste :
1. Rester fidèle et bienveillant avec vous-même
On entre en thérapie parce qu’on souffre et c’est cette souffrance qui est le moteur de notre désir de changement « Je ne veux plus continuer de vivre comme cela. » Or le simple fait de vouloir changer (c’est-à-dire d’être insatisfait de ce que l’on est ici maintenant) est en soi une très grande violence. Et pourtant… sans désir de changer, rien ne bouge.
Il s’agit donc pour tout candidat au changement de tenter d’être à la fois fidèle au désir qu’il a de changer et bienveillant avec la part qui à l’intérieur de lui-même en est – pour le moment – « là où elle en est ». Donc de trouver l’équilibre entre la légitimité de son besoin de changer et la fidélité à ce qu’il est.
Je remarque que dans votre demande, vous vous posez souvent la question (parce que vous voulez que votre souffrance cesse) de ce que vous devez faire, du « comment bien faire ? »
Rabaissez votre pression, votre exigence envers vous-même
Vous en arrivez à vous demander à vous-même d’essayer de « relativiser absolument » comme d’essayer de vous « dépasser ». Ainsi, le pouvoir que vous tentez d’avoir sur vous-même agit comme une violence contre vous. Cette violence créé le repli, la contraction d’une part de vous (la part qui ne peut pas faire autrement que d’être ce qu’elle est), contraction qui rend encore plus difficile le changement que pourtant vous appelez du plus profond de vous-même. Cela pour vous faire sentir que j’ai le sentiment que vous vous mettez beaucoup la pression…
En fait le pouvoir de « faire contre ce que nous sommes » que nous pensons avoir sur nous-même, quand il n’est pas surtout illusoire, est tout simplement nocif.
Si vous comprenez ce que je vous dis là, vous risquez de penser que vous vous y prenez de la mauvaise manière…
Bien sûr que vous ne vous y prenez pas « comme il faut » puisque vous souffrez et que justement en faisant une thérapie (ou en me posant votre question), vous souhaitez apprendre à ne plus souffrir.
Pouvez-vous sentir que votre premier point d’appui est cette confiance que vous pouvez trouver en vous-même d’être ce que vous êtes : de ne pas être déjà arrivée mais d’avoir déjà fait le premier pas pour en sortir.
2. Accepter vos incapacités (et aimez les)
Le travail ne peut se faire que pas à pas, car il est vrai que dans le monde relatif et impermanent qui est le nôtre, nous ne pouvons pas avoir d’assurances… il va donc falloir faire avec votre manque d’assurance et non pas attendre une assurance qui ne viendra jamais (donc illusoire) pour avancer.
Il ne s’agit pas de diviser, de séparer mais de rassembler, de réunir des aspects différents de vous-même qui vous font souffrir et qui sont un peu comme des « frères ennemis ». Reconnaissez-les, nommez-les, organisez une rencontre de tous ces aspects de vous-même et parlez-leur du fond de votre cœur : « J’ai bien compris que si les uns et les autres, vous aviez tant d’exigences, c’est que vous étiez – chacun de vous à votre façon – malheureux. Je suis venue vous dire que je n’ai l’intention de rejeter personne, vous êtes tous un aspect de moi-même et je vous resterai fidèle parce que je sais qu’à un moment donné ou à un autre de ma vie, j’ai eu besoin de vous pour exister. »
Peut-être que si vous osez vous parler à vous-même de la sorte, vous vous sentirez davantage « pacifiée », moins dans l’urgence.
Sans doute est-ce (comme vous me le dites) « à vous d’aimer » mais si vous ne le faites pas c’est que – pour le moment – vous ne le pouvez pas.
Peut-être croyez vous ce qu’on vous a lorsque vous étiez enfant
Sans doute avez-vous senti (ou vous l’a-t-on dit (?) ce qui serait bien différent parce qu’on vous aurait obligée à le croire) que c’est à vous « d’avoir envie de donner pour vivre à votre façon ». Votre remarque me fait un peu penser à un parent qui voulant le « bien » de son enfant (voulant le mettre devant ses responsabilités) le malmène en tentant de le convaincre : « Maintenant tu es grand et il faut que tu réalises que… » Pauvre enfant à qui son parent (qui ne le comprend pas, qui ne le respecte pas) dit ce qu’il pense qu’il doit être pour grandir et qui créé chez cet enfant (qui ne peut être que ce qu’il est et faire que ce qu’il peut), un puissant sentiment d’incompréhension, de solitude et certainement aussi d’abandon.
Oui, parfois vous sentez en vous un « esprit bloqué » qui vous force à la solitude. Voulez-vous ouvrir votre coeur à cet « esprit bloqué ». Nos esprits sont parfois « bloqués » quand c’est le moyen qu’ils trouvent pour tenter de moins souffrir. Ce n’est pas en les « raisonnant » et en leur disant « débloque-toi » qu’ils s’ouvriront. C’est en les comprenant, donc en vous donnant la permission de sentir au plus profond de vous-même que si votre esprit est parfois bloqué, vous avez certainement une très « bonne raison » (qui en est la cause) et en osant vous ouvrir à cette bonne raison. Est-ce bien cela que vous faites avec votre thérapeute ?
3 Ne forcez rien, apprenez à vous connaitre, à vous aimer, telle que vous êtes.
Vous êtes très lucide quand vous partagez « Je m’en veux de ne pas avoir envie de la vie alors que c’est elle que j’attends. » D’accord avec vous, c’est votre paradoxe du moment (qui n’est pas votre paradoxe éternel.)
A oser vous réconcilier avec « celle en vous qui vous a joué tant de tours. » Dans la pratique c’est par exemple – avoir de moins en moins le besoin de vous en vouloir quand vous préférez encore « rester seule. » Le déploiement de vous-même ne peut pas se faire contre vous, soyez bienveillante avec vous-même donc avec votre besoin non encore apaisé de rester seule, alors même que votre désir le plus cher est de rencontrer l’autre, la vie. Comment allez-vous vous y prendre pour vous réconcilier « dans » et « avec » votre paradoxe ?
Conclusion : L’estime de soi c’est s’accepter tel qu’on est et cela prend du temps
D’accord vous pensez au futur, sans doute êtes-vous impatiente et « l’impatiente » en vous malmène parfois celle qui est « à la traîne » parce qu’elle a encore un peu peur. Mettez ces deux énergies en présence, c’est parce qu’elles se rencontreront qu’elles auront moins peur l’une de l’autre et que peut-être un jour, elles deviendront amies. Ce sera alors pour vous le début de votre renaissance !
Gagner en estime de soi demande du temps. L’estime de soi commence par l’acceptation de soi. L’acceptation de soi, c’est décider de s’aimer même si on n’est pas comme on voudrait être ou que l’on ne change pas aussi bien et vite que l’on voudrait. L’estime de soi c’est reconnaitre nos qualités et accepter nos défauts, nos limites. Lorsque vous accepterez cela, vous apprécierez instant après instant votre existence car vous aurez appris et intégré – vous qui lisez ceci – que vous êtes simplement humaine : une belle personne … imparfaite – ici et maintenant !
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