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Le harcèlement fusionnel

On connait bien le harcèlement sexuel ou le harcèlement moral. Il existe pourtant une autre forme de harcèlement beaucoup plus insidieux, car consenti par chacun des partenaires : le harcèlement fusionnel. Oui, l’amour peut devenir tyrannie quand il vire à la dépendance.

Marie-France Hirigoyen, psychiatre, a été, à la fin des années 1990, pionnière sur le sujet du harcèlement moral, devenu l’un des combats du siècle. Au travail, à l’école, ou dans le couple, des lois existent désormais pour protéger les victimes. Ses caractéristiques? Une violence faite d’intimidation, de dévalorisation, d’insultes et parfois même de la violence, destinés à anéantir l’autre pour restaurer un narcissisme défaillant. Il s’agit ici de harcèlement moral. Attention toutefois : « tout harceleur n’est pas un pervers narcissique, et toute manipulation n’est pas forcément mauvaise, encore moins perverse » soulignent aujourd’hui nombre de thérapeutes, qui se penchent désormais sur une forme de violence beaucoup plus « tordue » car opérée par détresse et consentie par amour : le harcèlement fusionnel.

Les ressorts du harcèlement fusionnel

Contrairement au harcèlement moral, lorsqu’il y a harcèlement fusionnel, les rôles sont totalement inversés. Le persécuteur n’a rien du bourreau qui cherche à dominer ou détruire son partenaire. Le persécuteur demande au contraire – ici – à être dominé, déresponsabilisé, infantilisé. Il fait tout (inconsciemment) pour que ses proches décident à sa place et assument à sa place, ses responsabilités, jusqu’à les user psychologiquement.

A noter : Cette pression affective peut durer une vie entière au nom du lien si aucun des deux partenaires ne prend conscience du mécanisme de leur relation amoureuse.

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La dépendance affective, moteur du harcèlement fusionnel

Nous avons tous besoin des autres et nous sommes tous plus ou moins dépendants des autres. La dépendance affective est présente chez environ 80% des personnes qui m’appellent se retrouvant face à un problème amoureux dont ils ne comprennent ni la source, ni le mécanisme.

«Mon mari a du mal à s’assumer seul. Il faut toujours que je le motive, l’encourage, comme un enfant, J’ai l’impression d’être sa mère ! »
«Ma mère ne me lâche jamais. Dès que j’essaie de vivre ma vie, elle tombe en dépression»
«J’ai toujours l’impression que ma sœur va sombrer. Elle se retrouve tout le temps dans des situations compliquées où je me sens obligée d’intervenir»
Une jeune femme m’a même confié son épuisement de devoir porter son amoureux à bout de bras : chantage au suicide, demandes d’argent….

Comment opère le harcelant fusionnel ?

Ce harcèlement est un ensemble de comportements répétés d’agrippement, d’accaparement et de dépendance. Plus clairement : Un adulte force son partenaire à le prendre totalement en charge, entraînant chez ce dernier une déstabilisation affective et psychologique, Dans le couple, – par exemple – le cas vraiment très courant est celui du jaloux (le harcelant fusionnel) qui fouille dans le téléphone ou les affaires de l’autre ou se met à l’espionner. J’en vois énormément ! Ce couple peut pourtant tenir longtemps par amour, car le « harcelé » (celui qui « porte » l’autre) veut encore et toujours y croire à cette histoire !

Mais le harcèlement fusionnel pose deux grands pièges :

  • La « Parentification » : Le dépendant affectif oblige tout son entourage à se positionner en tant que parent. Ce qui oblige son partenaire à toujours être responsable.
  • La « Loyauté familiale » : une arme qui pousse à aider par sens du devoir (sans nécessairement questionner ce qui fonde cette loyauté). Dans un couple, le harcelant fusionnel pense : «J’ai tous les droits, tu as tous les devoirs.» Dans les cas extrêmes, on peut voir les parents d’un harcelant fusionnel dépenser toutes leurs économies pour continuer de soutenir cet enfant qui a pourtant cinquante ans aujourd’hui, tandis que ce dernier enchaîne les comportements systématiques de dévalorisation, de sabotage ou d’autodestruction qui forcent tout son entourage proche à la mobilisation générale tout en suscitant une anxiété permanente.

Comment stopper ce mécanisme ?

Bonne nouvelle : ce schéma n’est pas Inextricable ! Sauf si l’on s’aveugle sur le processus de co-dépendance qui se cache derrière ce schéma. Car le « harcelant » n’est pas le seul à inconsciemment tirer des bénéfices inconscients de la situation ! Le «harcelé» y trouve aussi son compte : Cela donne un sens à sa vie car en soutenant l’autre, il se dit qu’il est « quelqu’un de bien ». Obnubilé par la situation, cela lui évite aussi de se demander ce qu’il doit faire pour lui…. Vous aurez compris : les « harcelés » passent toujours l’autre avant eux, au point de ne souvent même savoir ce qu’ils ont envie ou besoin ! Ils ne se connaissent pas….

Dans la dépendance affective, c’est la situation qui harcèle, pas la personne.

Dans le film « l’enfer » de Claude Chabrol avec Emmanuelle Béart et François de Cluzet, Le harcèlement fusionnel est à son comble.

Car cette dépendance affective, nous la portons ensemble. Mais cette idée est très difficile à admettre. Certains n’admettront jamais : L’aidant se défend souvent en affirmant que ce n’est pas lui qui réclame de l’aide. Il doit pourtant mesurer à quel point il entretient lui-même une illusion de fusion avec le proche qu’il cherche à aider…» Pas facile, surtout quand le harceleur appelle un soir, menaçant de se suicider si son partenaire ne vole pas à son secours….

Le harcèlement fusionnel ne peut cesser qu’en posant ses propres limites: «C’est un gros travail de lâcher prise, qui demande un courage considérable. Mais admettre que c’est un harcèlement consenti est la seule façon de s’en libérer. Dans ce genre de situation (menace au suicide du partenaire), il faut renvoyer l’autre à ses responsabilités, en lui rappelant que c’est SA décision. Généralement, d’ailleurs, le chantage s’arrête… !»

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Gouffre affectif des dépendants affectifs, solitude extrême

C’est en faisant un travail sur son propre malheur que le dépendant affectif s’affranchit. J’ai eu en coaching une jeune femme qui enchaînait les crises d’angoisse dès qu’elle se sentait abandonnée : « Je ne savais rien faire seule, avoue-t-elle, j’avais toujours besoin que mon conjoint, mes amis ou mes parents s’occupent de moi. J’ai compris en coaching que je confondais dépendance et sentiments, (attachement et amour) alors je harcelais tous ceux que j’aime ! J’ai compris en coaching l’origine : mon père était très fusionnel avec moi, et je suis sa fille unique… Mais j’ai compris avec Agnès que grandir, c’est désobéir. Et une fois que l’on a accepté que l’on naît et meurt seul, c’est une libération.»

Tout l’enjeu ici est d’essayer de rester dans l’équilibre, entre tentative de « harcèlement fusionnel » et tentative de fuite.

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Pour aller plus loin : Eudes Séméria, «Le harcèlement fusionnel. Les ressorts cachés de la dépendance affective», Ed. Albin Michel :

Lauteur du livre fait partie du courant de la psychothérapie existentielle, une pensée à mi-chemin entre psychanalyse et philosophie, qui se fonde sur les grandes angoisses existentielles (dont la mort et la solitude). Deux choses qui nous concerne tous. Selon elle (et je suis d’accord avec elle), les solitaires extrêmes se situent seulement à l’autre bout du spectre d’une dépendance affective qu’ils fuient pour s’en protéger. Ce sont par exemple ces chefs d’entreprise qui donnent toute leur vie à leur travail, ou ces alpinistes qui finissent par mourir dans un accident, totalement seuls… Nous sommes tous des dépendants affectifs et la peur de l’abandon nous pousse souvent à vivre des vies en fonction des autres. Et passer à côté de celle que nous avons à créer. Et tout l’enjeu pour chacun de nous est d’essayer de rester dans la moyenne, entre tentative de harcèlement fusionnel et tentative de fuite…

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