« La communication avec les autres est devenue très délicate de nos jours. Il y a des gens qui, à tout moment, veulent s’imposer et font preuve d’une attitude de dédain envers l’autre. Comment faire pour ne pas briser la relation et la communication sans pour autant concéder de nos valeurs et principes de vie ? » Tom.
R. Peronnet, psychanalyste répond à Tom dans cet article.
Cessez d’espérer !
La raison pour laquelle nous nous retrouvons déçus quand l’autre ne répond pas à nos attentes, c’est que nous considérons comme normal et naturel qu’il y réponde. Mais pourquoi – au juste – devrait-il y répondre ? Considérons-nous nécessairement comme normal et naturel de répondre aux attentes des autres ? À penser que la communication avec l’autre est devenue très délicate de nos jours, j’aurais intérêt à me demander pour qui de moi, pour quel aspect de moi, pour quelle part de moi-même, elle serait devenue si délicate.
Tout de suite il m’apparaitrait que la part de moi-même enfermée dans son terrier, donc incapable de se remettre en cause, ne peut que ressentir le besoin que les autres soient en accord et en harmonie avec la manière dont je pense et ressent les choses.
C’est ainsi que le plus souvent, sûrs de notre (bon) goût, de nos certitudes et de notre bon droit à ressentir les choses comme nous les ressentons, nous n’imaginons pas un seul instant que l’autre puisse avoir des opinions ou des goûts différents des nôtres.
Or pour parvenir à ne plus souffrir de ce que nous prenons si souvent comme des manquements si ce ne sont des maladresses, ou même des fautes des autres à notre égard, il nous faudra réussir à prendre la responsabilité de nous-même, puisque c’est dans l’exacte mesure où nous avons besoin de l’autre que nous nous exposons à pouvoir être déçus par lui.
Dans une relation interpersonnelle, le jugement sur l’autre apparaît au moment où l’une des deux parties, se sentant en faiblesse ou en insuffisance par rapport à elle-même, s’inquiète de ne pas se sentir suffisamment comprise par l’autre. Il nous faut donc regarder en face la manière dont – sous le prétexte de ressentir le besoin d’être reconnu, validé, légitimé ou confirmé par les autres – nous sommes susceptibles – même involontairement – de juger ces autres à travers notre déception à ce qu’ils ne pensent pas comme nous.
Ainsi nous nous exposons tous à trouver la relation aux autres délicate, insatisfaisante, et même décevante, à la mesure dont nous projetons sur ces autres nos propres attentes.
« C’est l’attente qui est la cause de tous les soucis. Vos espoirs et vos désirs sont en vous, alors que les actions des autres et les événements se déroulent dans le monde extérieur. Alors ? L’attente n’est-elle pas inutile ? Les choses peuvent tourner comme vous vous y attendez … ou non. Tout dépend des facteurs extérieurs ! Et non de vous ! Alors ? Espérer quoi ? Vous devez accepter ce qui est arrivé, ce qui arrive. Il n’y a pas de place pour l’espoir. »
Berberyan
Pas d’attente, pas de risque de déception !
Ce qui signifie qu’il nous faut apprendre à examiner très attentivement nos attentes afin de parvenir à les rationaliser.
La manière dont nous allons nous y prendre avec les autres en même temps que nous parviendrons à en être libres, dépend de la manière dont nous allons les accepter tels qu’ils sont en les laissant être ce qu’ils sont, c’est-à-dire sans faire de leur différence une affaire personnelle donc une cause de souffrance.
Prendre conscience que depuis toujours, chaque être est unique et différent et qu’il est donc très imprudent de prendre ses désirs pour la réalité est infiniment précieux puisque cela nous permettra de ne plus nous attendre à ce que l’autre se comporte comme nous en ressentons le besoin. Cela devrait nous intéresser tout particulièrement puisque c’est quand nous conditionnons l’autre à nos besoins que nous nous exposons à souffrir de ses comportements.
S’accorder au réel, c’est voir réalistement qu’il y a beaucoup plus de chances que les autres ne se comportent pas selon nos attentes que l’inverse puisqu’ils ne sont pas nous ! Dans notre inconscience, mus par notre moi égocentrique, nous nous indignons en nous comportant bien souvent comme des enfants gâtés qui pensent que tout leur est dû.
Il nous faut parvenir à comprendre que c’est à travers la manière dont nous dirigerons notre pensée par rapport aux autres (notre manière de percevoir les autres), qui est et sera à l’origine de ce que sous vivrons avec eux.
Nos jugements sur les autres conditionnent pour le pire comme pour le meilleur ce que nous allons devoir vivre dans notre relation à eux. Dans mon travail, j’étais ce matin en relation avec une jeune femme psychologue qui me confiait de manière très pertinente qu’elle avait remarqué que quand elle dirigeait positivement son attention sur le meilleur de son compagnon, elle l’aimait en même temps qu’elle se sentait aimée par lui…
R. Peronnet, psychanalyste
Je cherche juste là à attirer l’attention de mon interlocutrice sur le fait que le jour où elle n’estimera plus que « de nos jours la communication avec les autres est devenue très délicate », elle se sentira en paix et en harmonie avec les autres et en particulier avec ceux qui n’auront pas répondu à ses attentes. Il y va donc de la condition même de sa paix intérieure : A ressentir les autres comme des ingrats, nous amplifions considérablement notre insatisfaction comme notre souffrance à leur égard et plus généralement dans nos relations.
Être souple et tolérant dans la relation c’est donc permettre aux autres d’être ce qu’ils sont, de penser comme ils pensent et d’avoir les comportements qui sont les leurs, même quand ils sont en désaccord avec nos valeurs. Si ces autres s’imposent à nous en faisant preuve de dédain, si nous sentons qu’ils cherchent à nous dominer, nous avons toujours la possibilité de les laisser être ce qu’ils veulent être en ne leur accordant pas d’importance. Pour nous aider à cela il nous faudra garder en tête qu’à chaque fois que nous reprochons aux autres les comportements qui sont les leur, nous en devenons les victimes.
Devenir responsable de soi-même est un beau programme qui permet d’accéder à l’autonomie et à la liberté : c’est bien moi (et non pas les autres) qui suis à l’origine de ce que je ressens.
À demeurer aveuglés par notre moi égocentrique, nous sommes nombreux à penser qu’il est normal et naturel de pouvoir compter sur les autres, en particulier sur leur compréhension et même leur complicité à notre égard. C’est ainsi que nous nous y prenons pour oublier la loi de la différence.
« S’attendre à ce qu’une autre personne agisse suivant votre désir est une absurdité ; c’est contre-nature. Et pourtant c’est ce que les hommes font. Et parce que cette attente est déçue, ils se sentent frustrés et insatisfaits. C’est un non-sens complet de s’accrocher à ce faux espoir, à ce désir dépourvu de réalité. »
Swami Prajnanpad.
Laissons l’autre être ce qu’il est, là où il est !
La meilleure attitude pour celui qui veut rester lui-même sans courir le risque de briser la communication, sans non plus « concéder de ses valeurs et principes de vie » est donc de laisser l’autre être ce qu’il est, là où il est.
Souvent nous entreprenons de vouloir convertir l’autre à notre point de vue plutôt que de le laisser être ce qu’il est sans lui opposer de résistance Pourquoi donc ?
S’il nous arrive de sentir qu’en prenant sa place à lui, l’autre nous fait de l’ombre, cela parle de nous qui n’avons pas encore osé faire l’expérience de cette place-là. À nous, dans ce cas, d’oser en faire l’expérience en choisissant un autre moment pour la faire, puisque nos jalousies secrètes parlent de nos besoins inassouvis qui demandent à être enfin libérés.
Si – a contrario – une personne cherche à s’imposer et que nous sommes clairs avec le fait qu’elle ne nous fait pas envie, pourquoi ne lui donnerions-nous pas volontiers la place qu’elle souhaite prendre sous les projecteurs ? À rester dans l’ombre, ne sommes-nous pas dans le lieu idéal dans lequel personne ne pourra jamais nous faire de l’ombre ?
Le besoin de vouloir changer l’autre est un besoin du petit enfant en nous (on parle de besoin infantile), l’adulte en nous sait que cela est vain parce qu’un être ne peut changer que parce qu’il s’y attelle lui-même et il s’y attelle parce qu’il y consent, nous savons tous au fond de nous-même que personne n’a le pouvoir de faire changer l’autre malgré lui.
« Vouloir ou espérer secrètement le changement de l’autre est en vérité une vraie toxicité pour nous. »
R. Peronnet, psychanalyste
À moins que l’enfant en nous ne résiste (auquel cas il faudrait examiner de plus près cette résistance), pourquoi ne dirigerions-nous pas notre attention dans une autre direction ? Cela nous sera d’autant plus facile que nous serons parvenus à une certaine autonomie donc que nous ne serons plus les esclaves infantiles du besoin d’être reconnus par l’autre.
Certaines personnes se vivent intérieurement et éternellement comme des « petite personne », or les petites personnes n’existent que dans la tête de celles qui les qualifient ainsi. Pourquoi continuer de penser être une « petite personne », plutôt que de remettre courageusement en cause une croyance aussi clairement liée à une toxicité familiale ?
Conclusion
Familièrement, on peut appeler cela apprendre à « s’occuper de ses oignons » en veillant à ne pas s’occuper de ceux des autres, et c’est sans doute là la meilleure manière de préserver sa liberté, le meilleur moyen de rester ouvert et souriant plutôt qu’amer et déçu…
Les réponse à Tom sont de R. Peronnet, psychanalyste.
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